03/26/2019
All, Loisir, Voyage
Monument Valley, USA – Pour le Calme
Tu es littéralement au milieu de nulle part – et comme c’est bon.
Quel contraste avec ton mode de vie compétitif et survolté où tu te compares constamment avec ceux qui semblent avoir plus que toi, ceux qui semblent plus intelligents, plus organisés, plus jeunes…
Bien qu’il y ait quantité de raisons d’être inquiet – tu as aussi l’intuition de l’importance de prendre rendez-vous avec ce que tu négliges dans ta folie quotidienne : la partie muette, enfouie, de toi. Elle te fait parfois signe la nuit, sur l’autoroute ou dans la quiétude grise des ciels de l’aube. Et ici, sur les terres des Navajos, à la frontière du Utah et de l’Arizona, tu la sens intensément.
Cette terre remet en perspective l’importance que tu donnes à tes actions et à tes pensées. Elle te murmure un message qui oblige à l’humilité : tout ce que tu fais, tout ce que tu es, est vraisemblablement insignifiant lorsque considéré de ce point de vue, depuis ces pierres anciennes, cet horizon sans fin, ce ciel infini.
Reportée à l’échelle du temps et de l’espace de ce lieu, notre insignifiance parait évidente. Il serait bon de méditer à ce sujet pour contrer la tendance à exagérer et à paniquer. C’est il y a 200 millions d’années que la mer Triassic s’est retirée et que la terre s’est élevée pour former ce plateau de désert que le vent et la pluie ont lentement, patiemment érodé. Des pierres de faîte plus robustes ont émergées progressivement pour former parfois de minces piques, parfois des buttes, ou encore ces larges tables du Monument Valley.
La journée, il fait une chaleur torride. L’air est sec. C’est un espace indifférent à la condition humaine. L’endroit met en évidence – tranquillement, sans mauvaise intention – comme ta vie est minuscule. Le désert offre une perspective nouvelle, sage et utile.
Au-delà des piliers rocailleux, les plateaux vides, subtilement ondulés, s’étendent à l’infini sans une trace d’humanité. Un voile brumeux s’élève à l’horizon. Les rayons roses et or du soleil couchant colorent les bancs de nuages lointains et incendient les surfaces sableuses. L’égo se détend, il s’oublie.
Le désert offre une leçon que le quotidien tend à suggérer vicieusement : l’univers est bien plus puissant que nous. Nous ne sommes que des créatures frêles et éphémères et n’avons pas le choix que de nous plier aux limites qui entravent notre volonté, nous soumettre aux nécessités qui nous dépassent. C’est la leçon inscrite sur ces rochers et ces sables rouges. La beauté avec laquelle elle est écrite te permet de quitter le désert pas dévasté, mais inspiré ; gracié par la majesté de la nécessité.
Non seulement as-tu voyagé, tu as bénéficié de la sagesse incarnée par cette terre de feu.