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Les Gens Peuvent-ils Changer ?

Les Gens Peuvent-ils Changer ?

“ Les gens peuvent-ils vraiment changer ?” La question semble abstraite et désintéressée, comme si un ami nous avait demandé de la poser à sa place. Or, cette réflexion est souvent inspirée par une motivation bien plus personnelle, et sensible. 

Typiquement, elle est posée lorsque notre compagnon de couple nous cause du tort : il refuse de s’ouvrir, de se montrer vulnérable, ou ne peut pas s’empêcher de nous mentir ; il est obstinément détaché ou s’entête à se faire du mal avec des habitudes nocives. La question émerge aussi parce que nous ne sommes pas en mesure d’accepter la réponse la plus évidente : nous n’arrivons pas à laisser cette affaire tomber et à passer à autre chose. Nous sommes trop investis émotionnellement ou matériellement. Quelque chose nous retient et nous ancre. Et donc, avec cet exemple en tête, nous nous interrogeons sur la nature humaine en générale : de quoi peut-elle bien être faite et à quel point est-elle malléable ?  

Une chose nous est sûrement déjà claire : même si quelqu’un peut changer, il ne changera pas facilement. Peut être qu’il/elle se braque à la mention du sujet, et nous accuse d’être cruel et dogmatique ; peut-être qu’il/elle, désemparé, se livre à nous tard dans la nuit, et le matin venu, nie avec  véhémence qu’il y ait un problème. Peut-être nous dira-t-il/elle que oui, il/elle comprend à présent, mais ne met jamais cette compréhension en pratique là où ça importe vraiment. Nous pouvons donc, au mieux, conclure que cette question du changement est posée parce qu’un de nos proches nous a déjà montré avec ou sans délicatesse, qu’il/elle ne changeait pas.

Et si nous commencions d’abord par se poser la question suivante : est-ce même acceptable de vouloir que quelqu’un change ? La réponse qui fuse de nos proches dont on le souhaiterait, est bien souvent un « non » indigné. « Aime-moi pour qui je suis ! » est leur mantra. Or cette réponse n’est-elle pas uniquement réservée à un être parfait, puisque seul lui pourrait légitimement se passer de travail sur soi ? Pour le reste d’entre nous, toutes demandes bien intentionnées d’un ajustement décent feraient bien d’être entendues avec bonne volonté et, dans certains cas, d’être prises sérieusement à cœur. Ceux qui se hérissent à l’idée de changer donnent à voir –paradoxalement- qu’ils sont dans un besoin assez urgent d’évoluer. 

Pourquoi changer est si difficile ? Effectivement, ce n’est pas tant que la personne averse au changement souhaité, ignore quel est le problème et le résoudrait dès lors qu’elle en serait consciente – comme lorsqu’elle découvre avoir un morceau de salade entre les dents, par exemple. Le refus de changer est bien plus fondamental et plus réfléchi que ça. Il se pourrait que toute sa personnalité soit structurée autour du désir de ne pas savoir ou de ne pas sentir quelque chose. Toutes possibilités d’y être exposée pourraient être habilement évitées via une surconsommation de psychotropes, une pratique compulsive du sport ou une attitude agressive envers les personnes susceptibles d’aborder le sujet.

En d’autres mots, la personne qui ne change pas ne manque pas seulement de moyens de changer, elle s’applique vigoureusement à ne pas se les donner. Et elle y résiste pour échapper à quelque chose d’incroyablement douloureux qu’elle n’était pas capable de gérer par le passé, et qu’elle n’arrive toujours pas à affronter aujourd’hui. Ce n’est donc pas tant quelqu’un qui ne change pas, mais quelqu’un qui est profondément blessé.

Une clef, trop souvent ignorée par la personne qui souhaite que l’autre change, serait de s’appliquer mieux concevoir ce qu’elle confronte. L’absence de changement est particulièrement contrariante parce que l’on ne conçoit pas que le changement puisse être aussi difficile à effectuer : avancer un millimètre dans la direction demandée, est-ce vraiment herculéen ? Or, si à cet instant, nous visualisions l’ampleur de ce que la personne a vécu, et les conditions dans lesquelles son état d’esprit s’est formé (et en certains lieux, fermé) nous pourrions gagner en réalisme et en compassion. «Ne pourrait-il/elle pas simplement… » perd toute légitimité.

Après ça, il est possible, et très important, d’accepter qu’il serait bon de ne pas persister aussi longtemps avec cette personne. Il arrive un moment où il serait bon de se poser la question (aussi sévère et dure qu’elle puisse sembler) : étant donnée l’évidence que la personne ne souhaite pas changer, et donc du peu de raison d’avoir de l’espoir que nos besoins seront satisfaits dans un futur proche ; à quoi bon rester ? Pourquoi s’entêter à ouvrir une porte qui ne s’ouvre pas et nourrir une frustration récurrente, dans l’espoir d’un résultat différent ? Pourquoi une partie de soi s’obstine-t-elle à rester dans un contexte contraire à son épanouissement ? Quel épisode de son histoire se rejoue-t-il dans ce drame d’espoir continuellement déchu ? 

Et si, en parlant de changement, nous nous changions en personne qui n’attend pas éternellement que les autres changent ? Pourrions-nous devenir mieux capables de faire des choix de vie plus propices à la réalisation de soi ? De plus, pourrions-nous cultiver un degré de sage sévérité, vital pour laisser tomber les choses qui nous tirent vers le bas ?  Peut-être que c’est d’abord à nous que revient le besoin de reconstruire son état d’esprit pour devenir quelqu’un qui ne se pose pas trop la question de si les personnes changent…

By The School of Life

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