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Comment Mieux s’Enerver ?

Comment Mieux s’Enerver ?

A priori, le chaos du monde des hommes est dû à un excès de colère. Nous connaissons (et méprisons) les dégâts râleurs : leurs caprices, leur irrationalité, leurs mauvaise foi… Il semble aussi que nous nous dirigeons vers un avenir qui ne va pas apaiser la colère ambiante. De la politique à la technologie en passant par le climat, tout semble pointer vers un monde encore moins patient, moins serein et moins compréhensif.

Bien que contre-intuitif, il est certainement plus réaliste de faire un diagnostic opposé : qu’importe le grondement de la foule, la racine du mal est certainement dûe à une incapacité à exprimer notre colère avec justesse et efficacité. Généralement, nous avalons amèrement notre frustration. Une telle répression de nos chagrins met chacun au risque de mauvaises surprises de répercussions inattendues. Pour chaque personne qui hausse de la voix, une vingtaine la perde.

Il ne s’agit pas d’encourager des délires de rage, qui blessent des innocents et ne mènent à rien. L’idée n’est pas de réhabiliter la barbarie, mais de défendre les bienfaits de dire ce que l’on pense, avec calme et dignité. Ceci ferait justice au jugement de chacun, et permet d’enrichir autrui d’une perspective et d’opinions différentes.

Il faut dire que notre incompétence à nous énerver provient probablement de motivations innocentes : nous craignons d’être arrogant ou prétentieux. Nous préférons donc penser qu’autrui – dans son équipe comme dans son couple – a certainement de bonnes raisons pour agir de la sorte, qu’ils sont bons dans le fond, et que ce serait les insulter que de relever un problème que nous ne sommes certainement pas en mesure de comprendre.

Nous tenons certainement cette modestie de l’enfance. C’est un privilège de permettre à un enfant d’exprimer sa frustration – et tous les parents ne sont pas partants. Beaucoup préfèrent avoir un « bon bébé ». Ils lui font savoir dès le départ que ce n’est pas drôle d’être « méchant » et qu’ils ne se laisseront pas embobiner par des enfants.  Les caprices et les mauvaises humeurs, les plaintes et les rages n’ont pas leur place dans la vie de famille. Bien qu’efficace et superficiellement gratifiante sur le court-terme, cette stratégie est souvent génératrice de ressentiment, voir de désordres émotionnels à l’âge adulte. C’est une chose très saine de sentir que l’on peut piquer des petites crises contre ses parents sans que ça compromette leur amour pour nous. Les parents mûrs ont autant de principes que de perspectives pour permettre que leurs enfants transgressent de temps en temps.

Devoir être trop bon, trop tôt, cause une forme de tristesse qui se reconnait par un grand manque d’estime vis à vis de ses propres opinions et sentiments. De fait, en couple, cette personne est susceptible de se faire « rouler » par son partenaire.  Etant donné sa « gentille » docilité, cette personne est considérée comme acquise et se fait subtilement humilier, menée par le bout du nez. Au travail, une un engagement inébranlable à la politesse, à l’empathie et à la gentillesse peuvent fournir les bases favorables pour se faire marcher dessus.

Il serait bon – par moment- de renouer avec l’art négligé d’être poliment pénible. Le danger pour ceux qui ne s’imposent jamais est qu’ils pourraient finir par exploser, pour évacuer tout ce qu’ils retiennent. Et ce n’est pas non plus idéal. L’idéal serait une protestation sincère et maîtresse d’elle-même. « Excuse-moi, mais tu es entrain de ruiner la vie qu’il me reste, je suis désolée mais tu mines mes chances d’être heureux ; je te demande pardon, mais c’en est assez… ».

Nous songeons souvent à partir en vacances ou à s’aventurer dans de nouvelles activités. Nous sommes enthousiastes à l’idée d’apprendre une nouvelle langue ou de goûter à de nouvelles saveurs d’ailleurs. Mais l’aventure la plus exotique pourrait bien se trouver être tout près de soi : dans ses émotions, dans le courage et l’audace requis pour se prêter à l’expression maîtrisée de sa colère. C’est une aventure à portée de mains. Dès ce soir par exemple, après diner. Nous avons certainement déjà l’ébauche du discours en tête. Il y a certainement un partenaire, un parent, un collègue, un enfant qui bénéficierait d’entendre notre opinion sincère. Et cet échange bénéficierait immensément à notre tension artérielle, notre état émotionnel et physique. Les timides imaginent que la colère détruit obligatoirement tout ce qu’il y a de bon. Du fait de leur éducation étant enfant, ils ignorent que la colère maitrisée peut être le fertilisant d’une relation qui permet à une entente bien moins amère de se développer, à une dynamique constructive et positive de croître.

By The School of Life

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